mardi 22 février 2011

Travelling maintient son rendez-vous avec Mexico

Cinéma: malgré la brouille franco-mexicaine, le festival Travelling maintient son rendez-vous avec Mexico
http://www.clairobscur.info/
Par Isabelle Le Gonidec

Le festival de cinéma Travelling propose chaque année un gros plan sur une capitale et au-delà explore un pays, son histoire et ses fractures. Malgré les déboires de l’Année du Mexique en France, le festival, organisé à Rennes par l’association Clair-Obscur, a choisi de maintenir sa programmation et de jouer la carte du dialogue et du débat. Un pari entendu par les invités mexicains qui ont confirmé à une large majorité leur participation. Le clap de début des festivités est donné ce mardi 22 février 2011.

L’Année du Mexique en France a été suspendue le jeudi 17 février 2011 en raison des tensions diplomatiques provoquées par l’affaire Florence Cassez. Depuis cette suspension, des voix autorisées comme côté français le politologue Georges Couffignal, les écrivains JMG Le Clézioou encore Jean-Claude Carrière protestent contre le « gâchis » que représente cette annulation. Le rendez-vous de Travelling est lui maintenu grâce notamment au soutien de ses partenaires publics et privés et à la volonté de ses organisateurs expliquée dans une lettre ouverte au gouvernement français publiée ce lundi 21 février.

La brouille juridico-diplomatique
A l’origine du dernier rebondissement dans l’affaire Cassez, il y eut, le 10 février, le verdict de la
justice mexicaine refusant le pourvoi en cassation de Florence Cassez, condamnée au Mexique à soixante ans de prison. Le président Sarkozy décide alors le 14 février, de dédier chaque manifestation de l’Année du Mexique à la prisonnière. Au Mexique, les autorités décident alors de suspendre leur participation. De son côté, la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry demande aux municipalités socialistes de ne pas accueillir de manifestations de l’Année du Mexique. Sur tout le territoire les manifestations sont annulées : à Lille, grande ville du Nord –la région d’où est originaire Florence Cassez- et dont Martine Aubry est maire, l’exposition «Drôles d’estampes» organisée dans le cadre de l’Année du Mexique, est annulée. De même à Toulouse, municipalité également socialiste, le festival de musiques du monde Rio loco qui devait être largement consacré au Mexique, doit réorganiser sa programmation d’ici le mois de juin.
A Rennes, c’est l’association Clair-Obscur qui tranche
Lorsque Martine Aubry fait sa déclaration, Eric Gouzannet, directeur de l’association Clair Obscur est en rendez-vous avec le maire socialiste de la ville Daniel Delaveau. Travelling n’étant pas une manifestation organisée par la municipalité mais par une association, la décision de jeter ou non l’éponge appartient à cette dernière. Pour
Eric Gouzannet, Travelling est une manifestation culturelle et « il ne faut pas tout mélanger ». Tant qu’à soutenir un prisonnier, selon lui, le festival se devrait plutôt de soutenir Jafar Panahi, cinéaste iranien assigné à résidence.
La participation de Travelling à l’Année du Mexique permettait d’accueillir un plus grand nombre d’invités que lors des précédentes éditions car les autorités mexicaines prenaient en charge, outre l’expédition des copies des films (et leur sous-titrage éventuel et le paiement des droits), les billets d’avion des invités. La suspension de l’Année du Mexique oblige de fait le festival à assumer une plus lourde charge financière (entre 30 et 40 000 € supplémentaires) mais ses responsables assurent avoir obtenu le feu vert de leurs partenaires. Les films ayant déjà été presque tous réceptionnés, les organisateurs ont mis les bouchées doubles ces derniers jours pour organiser le voyage et l’accueil de leurs invités.

Mexico et le Mexique, une ville et un pays de cinéma
Avec près d’une centaine de films programmés, du plus ancien -le premier long métrage mexicain, « l’automobile grise » (1919)- aux plus récents, œuvres de jeunes cinéastes qui composent la « nouvelle vague mexicaine » comme Alejandro Gonzalez Iñarritu ou Carlos Reygadas dont les films font une carrière internationale, le festival embrasse la diversité du cinéma mexicain. Tous les genres et les formats sont représentés, fictions et documentaires, courts et longs métrages présentés dans différentes sections.
Mexico lindo, au-delà des clichés
Plusieurs sections thématiques permettent d’explorer en profondeur l’histoire tumultueuse du Mexique et les passions mexicaines.
L’une de ces thématiques, « Révolution(s) et turbulences », revisite au prisme du cinéma la révolution de 1910 et les suivantes (Chiapas de 1994, Oaxaca en 2006). La programmation propose ainsi dans la section « trouvailles » quelques images du dictateur Porfirio Diaz, éjecté du pouvoir par la révolution de 1910, filmées en 1896 par les assistants des frères Lumière au Mexique. Autre époque, même violence avec le film El grito, « le cri », chronique et documentaire de Leobardo Lopez Aretche sur le mouvement étudiant de 1968 réprimé dans le sang en octobre 1968 place Tlatelolco.
Une autre section est consacrée à la lucha libre, le catch mexicain, qui déchaîne les passions, toutes générations et classes sociales confondues. L’affiche du festival rend hommage à ce sport qui a généré un véritable genre cinématographique et son modèle,Blue Demon Jr est l’invité d’honneur du festival. Une journée marathon est proposée le 25 février pour décrypter cette passion mexicaine dont la mise en scène colorée et bruyante ne peut masquer la violence.
L’un des points forts du festival est précisément ce souci du décryptage. En marge des projections plusieurs rencontres et tables rondes, avec les auteurs mais aussi avec des chercheurs, permettent d’aller plus loin. Un parti pris qui permet de justifier le maintien du festival parce que le débat permet d’expliquer, de confronter les points de vue et de tendre des passerelles au contraire du boycott qui est une porte que l’on claque. La lettre des organisateurs en est le témoignage.

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